POURQUOI 1 RECRUTEMENT SUR 2 EST UN ÉCHEC À 18 MOIS
Dans son best seller “Hiring for attitude“, Mark Murphy – Fondateur de l’institut Leadership IQ – présente les résultats de l’une des études les plus importantes jamais réalisées sur la qualité des recrutements.
David Bernard apporte un éclairage sur les enseignements à en tirer.
DES PROBLÈMES DE COMPORTEMENT DANS 89% DES CAS
L’étude en question a porté sur 20 000 nouvelles embauches. Chaque nouveau recruté a été suivi sur une période de 18 mois. La conclusion la plus surprenante de cette étude ? Au terme d’une année et demie de présence en entreprise, 46% des personnes recrutées (soit 1 sur 2 !) se sont retrouvées en situation d’échec.
Fait plus marquant encore, les raisons pour lesquelles ces 9.200 personnes ont échoué : dans 89% des cas, les échecs étaient liés à des problèmes d’attitudes (seulement 11% des erreurs étaient dû à un déficit de compétences techniques). Manque de leadership, fermeture intellectuelle, intelligence émotionnelle déficiente, manque de motivation, incompatibilité avec les équipes ou le manager en place : toutes des raisons liées aux comportements adoptés au quotidien par les personnes recrutées.
QUELS ENSEIGNEMENTS TIRER DE CES 9.200 ERREURS DE RECRUTEMENT ?
Ce que nous apprend cette étude :
Tout d’abord, si l’on considère le fait qu’1 recrutement sur 2 est un échec à 18 mois :
– Recruter n’est pas une chose facile… Une fois sur 2, l’exercice se solde par un échec à 18 mois.
– La qualité d’un recrutement se mesure sur le long terme, pas seulement par le fait de « placer un candidat en poste » (sans quoi 100% des recrutements pourraient être considérés comme des succès).
– Le fait de passer la période d’essai ne constitue en aucun cas une preuve de succès d’un recrutement. Il n’en constitue qu’un jalon.
Si l’on considère maintenant le fait que 89% de ces échecs de recrutement sont imputables à des problèmes liés aux comportements :
– Les comportements des personnes en poste ont un impact déterminant sur leurs probabilités de succès ou d’échec au travail.
– Il semblerait que l’évaluation et la prise en compte de ces comportements soit compliquée… et pas spécialement maîtrisée par les recruteurs (sans quoi la proportion d’erreurs liés aux comportements serait bien moindre).
POURQUOI CES ERREURS ? (...ET COMMENT LES ÉVITER !)
Si c’est une chose que de constater ces erreurs, c’en est une autre que d’en comprendre l’origine. L’une des causes les plus probables de ces erreurs est sans doute la difficulté à laquelle les recruteurs sont confrontés lorsqu’ils doivent évaluer leurs candidats !
SUR QUELLES INFORMATIONS LES RECRUTEURS S'APPUIENT-ILS POUR ÉVALUER LE COMPORTEMENT DES CANDIDATS ?
En majorité, sur l’entretien de recrutement :
• Ils posent des questions aux candidats,
• Ecoutent les réponses apportées,
• Les relancent…
A la fin de l’entretien, chaque candidat est catégorisé comme extraverti, introverti, organisé, souple, expressif, contrôlé… Le problème, c’est que les comportements qu’observent les recruteurs à ce moment ne sont souvent que des comportements d’emprunt.
Personnellement, je ne suis pas le plus organisé du monde. Si je postulais à un job pour lequel la rigueur était d’une importance capitale, pensez-vous sérieusement que je me comporterais de façon naturelle ? Non, bien évidemment.
L’entretien prédit très mal les comportements naturels des candidats (ceux qu’il présenteront à l’issue de la période d’essai…). Que vous l’acceptiez ou non ne change rien à cette réalité.
QUELLE PLACE LES RECRUTEURS ACCORDENT-ILS AUX COMPORTEMENTS LORSQU'ILS RECRUTENT ?
Il y a ceux qui pensent que la personnalité n’est qu’accessoire et que ce qui compte, ce sont les compétences techniques, les savoir-faire. S’appuyer sur la personnalité reviendrait à discriminer, à ne pas donner sa chance à tout le monde… Là, on en est au niveau zéro du recrutement. D’un autre côté, il y a ceux qui savent que la personnalité a un impact fort sur la réussite au travail et qui s’attachent à la prendre en compte dans leur processus de recrutement
Après, entre savoir que les comportements impactent la réussite au travail (d’une façon générale) et savoir exactement sur quels comportements précis se centrer lorsque l’on recrute pour un poste précis dans une entreprise précise, il y a une marge.
Une seule solution : étudier en amont ce qui fait le succès et l’échec des personnes dans votre entreprise (ou dans celle de votre client si vous êtes un cabinet) afin d’acquérir des références solides sur « quels comportements rechercher » et « à quel niveau ».
COMMENT LES RECRUTEURS INTÈGRENT-ILS LES INFORMATIONS (LIÉES AUX COMPORTEMENTS DES CANDIDATS) DANS LEUR PRISES DE DÉCISION ?
Majoritairement, au feeling…
Soyons réalistes, peu de recruteurs prennent le temps de faire de belles grilles d’entretien, de les remplir consciencieusement pour chacun des candidats puis de mettre en place des règles de calcul appliquées de façon standardisée avec chacun des candidats.
Pourtant, c’est comme ça qu’il faudrait procéder !
D’ailleurs, tout le monde sait désormais que mettre en place de simples algorithmes (réalisables sous excel) pour traiter la masse d’informations recueillies permet de prendre des décisions de recrutement 25% plus pertinentes en moyenne que si le traitement de ces mêmes informations est laissé à la discrétion des recruteurs (aussi expérimentés soient-ils).
Sur l’auteur :
Psychologue du travail diplômé de l’Université Paris 5 – René Descartes, David Bernard a lancé Assesfirst. Conférencier reconnu, il intervient auprès de plus d’une vingtaine de Business Schools et d’Universités (cursus classiques et M.B.A.) dont HEC, IESEG, ISG, EM Strasbourg.
Source FOCUS RH, publication christina.gierse
Les comportements d’emprunt sont, à mon sens, dans les 2 sens.
Bien sûr qu’un candidat qui postule ne sera pas 100 % naturel, tout comme le fait que notre personnalité s’adapte en fonction de notre milieu professionnel ou privé. Il est donc très difficile lors des phases de recrutements de savoir si le recruteur a fait ou non le bon choix, seul le temps le dira.
Et qu’en est-il du comportement d’emprunt des recruteurs ? Là aussi, on peut parler du fait que lors de la présentation de l’entreprise, des missions, de l’ambiance, etc, tout n’est pas dit, ou bien enjolivé. Et le candidat découvre la réalité du terrain, après sa période d’essai, le plus souvent. A cela, rajoutons, la pression d’avoir un travail, le fameux sésame du CDI, et la difficulté à l’heure actuelle de changer de travail, sous peine de passer pour un salarié instable quand tous les 18 mois, il y a nouvel employeur.
La conclusion de ses 46 % parle de problème d’attitude. Il faut regarder des 2 côtés, et pousser la réflexion beaucoup plus loin. Pourquoi l’attitude à changer ? Pourquoi ne semble t’elle plus en accord avec les attentes de l’entreprise ? Quels sont les éléments impactants sur ces 18 derniers mois ?
Pour ma part, il faut rajouter aux conseils pour les recruteurs (et les recrutés), la transparence et l’honnêteté, et arrêter de se mettre des oeillères sur le climat psychosocial de son entreprise.