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CONJONCTURE 2021

incertitude-attentisme-conjoncture

Victor de Fromont et Karim Lasri (EY) accompagnent les PME, ETI et fonds d’investissement dans leurs opérations de croissance externe ou leur processus de cession. Interrogés par “les Nouvelles Publications Juridiques & Economiques”, ils nous livrent leur analyse sur la situation économique en ce début d’année.

 

Quelle est la situation des entreprises françaises ?

Le 13 mars 2020, toutes les entreprises sont devenues des entreprises en difficulté – en tout cas elles en présentaient les signes : baisse d’activité, mesures d’« activité partielle » (ex-chômage partiel) et autres mesures de reports de charges fiscales et sociales. 

Pourtant, le nombre de défaillances (sauvegardes, redressements judiciaires, liquidations) a atteint un point historiquement bas en 2020. Cela s’explique notamment par la mise en œuvre par l’Etat de mesures économiques (Prêts garantis par l’Etat, « PGE ») qui auront permis aux entreprises fragilisées par la crise sanitaire et les mesures de confinement de préserver leur trésorerie. Cela s’explique également par des mesures juridiques (notamment à travers l’ordonnance du 20 mai 2020) qui ont eu pour effet que les entreprises en difficulté ont privilégié les procédures confidentielles (en particulier la conciliation) plutôt que les procédures collectives (sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation), lesquelles, parce qu’elles sont publiques, intègrent les statistiques des défaillances.

Vous dites que les aides financières (PGE) étaient destinées aux entreprises fragilisées par la crise sanitaire ? N'ont-elles pas également bénéficié à celles déjà fragiles avant la crise sanitaire ?

Les établissements prêteurs sont soumis à des règles strictes : ils doivent s’assurer que les entreprises auxquelles ils accordent un PGE ne sont pas qualifiées d’« entreprise en difficulté » conformément à la règlementation européenne qui fait intervenir plusieurs critères de solvabilité et de liquidité. Ils ont donc dû sélectionner rigoureusement les dossiers de prêt, même si la garantie de l’Etat est telle que leur risque est limité. Aussi, de nombreuses entreprises n’ont-elles pas pu bénéficier de PGE, notamment dans les secteurs qui étaient fragiles avant la crise, tel le secteur de la distribution.

Quel est le risque que ces perfusions financières font peser sur l'économie ?

L’augmentation de la dette des entreprises, dette qui a servi à financer non pas des ambitions de croissance, mais un manque à gagner causé par les mesures de confinement, fait peser un double risque sur l’économie. Un risque sur le système financier qui est fragilisé par cette inflation de la dette et son corollaire, le risque de défaut. Un risque également sur les entreprises elles-mêmes qui, pour honorer le service de leur dette, limiteront leurs investissements et leurs recrutements. Cela aura un impact sur l’innovation et la productivité d’une part, et sur la consommation d’autre part.

Qu'anticipez-vous à moyen terme ?

Le niveau de défaillances de 2020 s’apparente à ce qu’on nomme classiquement une anomalie statistique. La situation actuelle est anormale, et de ce fait transitoire. Comment s’opérera le retour à la normale ? Plus précisément, comment opérer un retour progressif à la normale, propre à contenir la vague des défaillances pronostiquée par les économistes ? Comment seront remboursées les dettes contractées par les entreprises en 2020 (PGE, retard fiscal/social, etc.) ? Comment mettre fin aux mesures dérogatoires au droit des entreprises en difficulté qui ont favorisé les procédures amiables, confidentielles, au détriment des procédures collectives, publiques ? Toutes les réponses ne sont pas tranchées.

Pour autant, cette incertitude ne doit pas nous conduire à l’attentisme. Nous devons anticiper. 

Anticiper des opérations de consolidation afin, idéalement, de constituer un Mittelstand à la française. Les fonds d’investissement auront un rôle clé à jouer.

 Anticiper également les sujets de restructuration (financière ou opérationnelle) pour garantir que nos entreprises soient compétitives sur leurs marchés. 

Tous les scénarios doivent être étudiés, notamment les procédures collectives. Les difficultés touchent la majorité des secteurs et de très nombreuses entreprises. Il ne doit donc y avoir aucun déni, ni aucun tabou. 

Plus le dirigeant prendra tôt les dispositions nécessaires, plus les chances de rebond de l’entreprise seront élevées.

PAROLE D’EXPERT du 24/02/2021- Les Nouvelles Publications économiques et Juridiques

  • Victor de Fromont, Senior Manager Transaction Services chez EY
  • Karim Lasri, Associate Partner chez EY – Financial Restructuring